Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Chroniques de la souffrance, haine et pizzas.

29 avril 2014

Name Droping

- Tu mens ! Chargea-t-elle dans un souffle. En fait, elle n’accusait pas vraiment son interlocuteur de mentir. Elle se refusait juste à croire ce qu’elle avait entendu. Mais, comme toutes les femmes, elle était incapable d’énoncer clairement ce qu’elle pensait.

- Je suis désolé, répondit son père à l’autre bout du fil. Moi aussi ça m’a fait un choc. Mais je n’en sais pas plus que ce que je viens de te dire, il faut attendre les conclusions des officiers de…

Thusnelda entendit une voix crier à son père, en arrière plan :

- Et tu as pensé à sortir la poubelle ? ”. C’était sa mère qui, malgré la terrible nouvelle, n’en avait pas perdu le sens pratique et pensait au ramassage du lendemain, d’autant plus que, la veille, elle avait cuisiné du poisson, et tu comprends, ça sent, et si on oublie de sortir la poubelle…

- Il faut que je te laisse Thusnelda, tu peux rappeler plus tard si tu veux. Là, il faut que j’aille sortir la poubelle, et tu sais comment est ta mère !

- Oui. A tout à l’heure.

 

Thusnelda était sous le choc. Sa sœur, son autre. La force de sa foi, sa faiblesse et sa loi, son insolence et son droit. Oui, autant sa mère s’attelait à des détails matériels en cas de choc, autant elle avait recours à la grande poésie classique. Maurane et Lara Fabian en l’occurrence.

Sa sœur accidentée. Et morte. Sa sœur sans vie.

Au delà de l’absence, de l’impossible acceptation de l’éloignement, ce qui la faisait redoubler de sanglots était le ridicule de la situation.

Elle avait adoré sa sœur. Elles avaient partagé tout ce que des filles peuvent partager entre elles : le mascara, le fond de teint, les Tampax Pearl pour flux abondant. Elles étaient liées comme les doigts de la main de Mohamed Bouazizi après qu’il se fut immolé par le feu. Inséparables, elles passaient leur temps ensemble. Thusnelda avait même fait rentrer sa sœur dans la compagnie d’assurance où elle travaillait. C’est ainsi qu’elles étaient ensemble toute la journée. Et pourtant, personne n’aurait pu les prendre pour des sœurs. Thusnelda était une grande blonde (décolorée) élancée, tandis que sa sœur avait préféré garder sa couleur de cheveux, se contenant de les faire lisser. Parce que, comme toutes les femmes, elle était insatisfaite de ses cheveux. Thusnelda était la plus grande des deux, bien qu’elle soit de deux ans la cadette de sa sœur. Sa sœur… Qui n’était plus qu’un corps… Qui n’avait plus son regard pétillant caché derrière ses lunettes Pure Possible de chez Krys. Les opticiens. Sa sœur, qui était complexée par la taille de ses hanches, et qui sortait de chez la diététicienne quand l’accident s’était produit.

 

Sa sœur, qui avait traversé pour attraper son bus, et qui s’était faite écraser par une palette mal fixée tombée d’un camion de livraison en marche. Une palette de Crème Fluide et Légère Elle et Vire. A 7,5 % de matière grasse.

 

Publicité
Publicité
29 avril 2014

Solitude cheftale aphoristique

Tu mens comme tu expires.

30 septembre 2013

Encolle moi

J'ai rêvé que j'encollais Olivier. Littéralement. Et sans faute de frappe. Je le recouvrais, à travers une douche en plein air, d'une colle impossible à ôter. Bien entendu, sa femme faisait un peu la gueule. Et je n'ai réussi à leur échapper qu'après avoir kidnappé un enfant dans une école maternelle.

Je n'aime pas particulièrement raconter mes rêves, mais si je ne le fais pas ici, à qui le ferais-je ? Ma psy m'a écœuré la dernière fois : elle ne connaît pas « Les rois maudits ». Je veux dire, je veux bien qu'elle ne connaisse pas toutes les œuvres produites. Mais « Les rois maudits » putain ! Quand je lui ai raconté que je ne dormais pas super bien mais que j'en connaissais la cause (la lecture des rois maudits justement), elle s'est récriée, me disant qu'avec un titre comme ça...

Elle m'a donc conseillé de ne lire aucun livre ayant un rapport à la mort. Il me reste donc à terminer la collection de Oui-Oui, puis je passerai à la série des Martine, puis j'attaquerai Katherine Pankol. Et je pourrai mourir tranquille, habité par le sentiment d'avoir lu tout ce qu'il était possible de lire.

Et sobre, puis que l'alcool est déconseillé avec les anxiolytiques. Et les antidépresseurs. Je vous raconte pas la vie que je me réserve à écouter ma psy.

Parce qu'en plus, elle m'a fait faire une prise de sang. Et il apparaît que j'ai du cholestérol. C'est bizarre, j'avais pourtant fait gaffe la veille du prélèvement. Je n'avais mangé qu'un jarret de porc fumé avec une salade de choux aux lardons et des galettes de pommes de terres frites. Des röstis quoi. Et voilà t-il pas qu'on me trouve du cholestérol ? Comme c'est bizarre !

Quand elle m'a dit de ne plus lire les rois maudits, qu'il y avait suffisamment d'autres livres, j'ai tellement halluciné que j'ai acquiescé. A ce compte là, je peux lire l'annuaire téléphonique. Au moins il n'y est pas question de sens de la vie, de la mort et de tout ça. En plus, ce n'est pas tant la mort en tant que telle qui me fait peur, c'est la façon d'y arriver. La décrépitude. La pisse que l'on laisse s'échapper avant de se faire battre par une aide-soignante qui a autre chose à faire que de vous nettoyer. Se trouver à se faire dessus après avoir perdu tout ses amis et tous ceux qui comptaient. Où serait le plaisir sinon ?

Donc, je résume : plus de littérature. Plus d'alcool. Plus de gras. Marc Lévy, un grand verre d'eau plate (l'eau gazeuse flingue l'estomac) et du blanc de dinde. Après ça, l'étape ultime de mon mieux être sera de devenir témoin de Jéhovah.

Si un matin vous me voyez sonner chez vous, un sourire forcé accroché à ma face, vêtu d'un costume sombre et d'une cravate bleu roi accompagné d'un clone et venant vous parler de Jésus, ne vous affolez pas, c'est simplement que j'irai bien.

23 septembre 2013

Le sens de la vie

Quand tu penses que, pendant des millénaires, l'Homme s'est penché sur cette question.

Quand tu penses que la seule solution acceptable apportée à cette évidence absolue est la religion. Quelle qu'elle soit.

Quand tu penses que tu as mis 30 ans à le comprendre.

Quand tu penses que, ce qu'il te reste à faire, c'est à en crever. Ou à en mourir. Ou à en boire. Ou à en t'injecter de l'héroïne.

Quand tu penses que le mec non religieux le plus proche de cette vérité qui, un jour, t'as éclaté à la face comme une lettre piégée c'est Douglas Adams.

Quand tu penses que la religion cesse de t'être une vérité lorsque tu découvres que le mythe de Noé a été inventé par les babyloniens (bon, Noé ne s'appelait pas Noé chez les babyloniens, mais tu saisis le concept).

Quand tu penses que chez les babyloniens, Noé s'appelait Uta-Napishtim.

Quand tu penses que tu as mis un peu plus (mais à peine, et de toutes façons, tu ne les fais pas, avec ton teint de pêche, tes yeux de biches et ton démonte-pneu de pénis) de 30 ans à trouver ça tout seul, et que pendant les 30 prochaines années, tu n'auras plus rien d'important à comprendre, si ce n'est « que font les canards de Central Park lorsque le lac est gelé ? »

Quand tu penses que les écrivains qui t'aidaient à accepter cette évidence sont soit mort, soit enterrés. Soit les deux, et de préférence dans cet ordre parce que c'est plus digne.

Quand tu penses que la seule réponse que ta psy t'apporte c'est « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».

Quand tu penses que même une dose de Séresta à faire tomber en syncope l'énorme fille obèse qui était à côté de toi lors du dernier concours ne peut t'être d'aucun secours.

Quand tu penses qu'il y a des inconscients qui ont nommé les antidépresseurs, et plus particulièrement le Prozac « pilule du bonheur », comme si le bonheur avait quelque chose à voir avec cette histoire.

Quand tu penses que tu céderais un bras et un rein pour que quelqu'un t'explique pourquoi tu te plantes.

Quand tu penses que, parfois, tu serais prêt à échanger ta liberté de penser contre la certitude qu'il y a quelque chose après.

Quand tu penses que chaque acte que tu commets, chaque pas à l'aide duquel tu avances n'est en fait rien d'autre que l'avancée d'une fourmi sur une immense étendue.

Quand tu penses que même virer les adverbes en -ement ne rend pas ton texte meilleur.

Quand tu penses que la seule certitude que tu as, une fois tes volets fermés et tes antidépresseurs avalés est la raison de ton angoisse.

 

Quand tu penses que la seule chose dont tu es certain, et la seule chose vraie dans ce monde est la suivante : « Tout ce que tu aimes, tout ce que tu chéris, finira immanquablement par disparaître ».  

9 septembre 2013

Ecrire

Ecrire, comme on se force à vomir. Ecrire comme on crache. Ecrire comme on pratiquait une saignée pour faire partir les humeurs mauvaise. Il y a des fois, écrire ne m'amuse pas. Ce que j'écris ne m'intéresse pas plus que la boulimique ne s'intéresse au bol alimentaire qu'elle régurgite. Ecrire m'emmerde comme la toux emmerde le tuberculeux. Ecrire me bouffe du temps pour rien. Mais avoir écrit me soulage. L'âme moins lourde, la tête plus légère. Ecrire pour ne plus avoir à subir des ruminations mentales.

Bien sûr, il y a des notes que j'écris en m'amusant. Je veux dire, je ne suis pas un forçat du billet de blog. Il est des notes légères comme un gamin au Darfour, des notes claires comme un albinos au Zimbabwe, des notes plaisantes qu'il m'amuse d'écrire. Mais je ne parle pas de celle-là. Je parle des notes lourdes, des notes que ma tête vomis dans une puanteur de bile, des notes que je ne veux pas relire, des notes que je ne veux pas poster, mais des notes quand même. Que je garde pour moi, dans le dossier intitulé « blog ». Des notes non publiées parce que non publiables. Non que je désire cacher quoi que ce soit (et puis, sauf vôtre respect, l'audience de ce blog étant ce qu'elle est, il n'y a que des personnes dont je ne crains pas le jugement parmi les lecteurs). Mais ces notes me semblent tellement impudiques qu'il serait inconvenant de les exposer ici. Pas pour ma pudeur, mais pour la vôtre. Pour ne pas que vous ressentiez l'impression de violer une intimité que vous seriez forcés de subir. Un peu comme quand ma psy me parle d'elle : ça me met mal à l'aise. Et je ne voudrais mettre personne mal à l'aise par la faute d'une note qui serait le trou de serrure d'une chambre parentale. Si vous voulez le trou de serrure, il y a xhamster.com (je voulais écrire youporn mais xhamster est le site porno sur lequel les internautes passent le plus de temps – 11 minutes en moyenne, contre 8 pour youporn).

Ecrire n'est pas pour moi une thérapie. Je n'ai ni cette prétention, ni surtout cet optimisme de croire que ma névrose se guérira pas l'écriture de billets de blog de 500 mots. Non, je compte bien plus sur la chimie prescrite par ma psy et délivrée par ma pharmacienne (qu'elles trouvent ici l'expression de ma profonde reconnaissance). Ecrire n'est pas une manière d'aller mieux. Ecrire me permet de fixer sur une page blanche les ruminations qui m'emmerdent, m'épuisent et m'empêchent de penser à autre chose. J'écris car je n'ai trouvé que ce moyen lorsque le Seresta n'agit plus. Ecrire est alors pour moi ce que vomir est aux membres des Outremangeurs Anonymes (je vous jure que ça existe) : c'est désagréable et ça me fait perdre mon temps, mais après je me sens mieux. Coucher des mots sur le papier me permet de chasser mes idées obsédantes.

Publicité
Publicité
2 septembre 2013

Arnaud D. (suite)

Arnaud D. me fait penser à un présentateur de télé allemand. Un blond qui présentait un divertissement le samedi soir dans lequel des inconnus pariaient qu'ils serait capable de relever un défi. Il a cessé de présenter peu après qu'un suisse a parié qu'il arriverait à sauter par dessus des voitures en marche, à l'aide d'espèces de ressorts géants fixés sous ses pieds. Ce jeune suisse a perdu son pari après avoir été percuté par l'une des voitures, conduite par son propre père, et être devenu tétraplégique. Oui, les allemands savent rire. Donc ce présentateur blond porte le bouc, des cheveux savamment non coiffés, bref, comme Arnaud D. (dont je ne prononcerai plus jamais le nom, dussé-je en mourir).

Et donc, Arnaud était ce que j'avais et qui se rapprochait le plus d'un copain. Quand je pense à comment j'ai été seul, je me dis que c'est incompréhensible que je n'ai pas bu 8 litres d'eau d'affilé ou que je ne me sois pas fait piquer par un scorpion ou mordre par une mygale avant. Bref, que je ne me sois pas foutu en l'air. Parce que je n'avais pas d'ami. Mon meilleur ami avait déménagé pendant les vacances scolaires qui suivirent ma troisième, alors que j'étais je ne sais où, et mes parents avaient sciemment omis de m'avertir de ce déménagement, jugeant qu'il avait une mauvaise influence sur moi. Mes parents, juger d'une mauvaise influence... Un peu comme si Jean-Marie Le Pen avait refusé de confier ses filles à quelqu'un, sous prétexte que ce quelqu'un était raciste.

Bref, donc j'avais Arnaud. Et si je ne me souviens de quasiment rien de mon année de première (mais rien à un point que ça en est affolant, tellement flippant que j'en ai pris un Seresta pour me remettre), il me souvient quand même d'une chose à propos d'Arnaud D. : nous étions jumeau de pénis. Nous étions interchangeable du pénis. Ca aurait pu nous mener à quelque chose, mais :
1- je n'étais pas amoureux d'Arnaud.
2- il sortait avec un laideron qui s'appelait Cécile, et qui auparavant était sorti avec la moitié des mecs de la classe. Moi non inclus. Evidemment. Parce que je vous parle d'un temps où je n'étais inclus nul part. Seul à en avaler 25 comprimés d'aspirines dosée à 500 mg. A se mettre la tête dans un four à gaz en l'allumant (le gaz, pas le four).

Avec Arnaud, nous pariions. Ce que je gagnais me faisait office d'argent de poche, vu que mes parents ne me lâchaient pas un sou. Mais ces paris étaient les seuls liens qui nous unissaient. Avec notre pénis.

Normalement, il y avait ici un paragraphe de fin. Je l'ai censuré, il ne correspondait pas à ce que j'avais envie de dire dans ce billet. Du coup, il n'y a pas vraiment de fin à cette note. Et je peux vous assurer que, du coup, j'en ai chié des ronds de chapeau pour arriver à tout pile cinq cents mots.

26 août 2013

Arnaud D.

Sur Facebook, je sais que je ne devrais pas regarder les profils des gens avec qui j'étais au collège ou au lycée. Je le sais, ça me rend malade. Mais pas malade « tiens, je me sens pas trop bien », non, malade à bouffer 3 kilos de sucre, malade à boire une bouteille de whisky à 50° en moins d'un quart d'heure, malade à boire 4 contenus liquide de cigarettes électroniques, bref, malade à vouloir en crever. Enfin, tout ça pour dire que j'ai retrouvé Arnaud. Arnaud D. Pour ne pas dire son nom. Parce qu'une fois, mon père m'a forcé à dire son nom. Avec une mandale dans la gueule, me semble-t-il. J'étais avec Arnaud en seconde, puis en première.

Arnaud D. n'a absolument pas changé, il a toujours l'air d'avoir 17 ans. Il a une fille apparemment. Qu'un mec comme ça puisse avoir un enfant, alors que moi je n'en ai pas, me surprend à me trouer le cul. Franchement. Bon, c'est dû au fait qu'il a toujours l'air d'avoir 17 ans, et que moi, j'ai 17 ans dans ma tête (et à 17 ans, j'en avais 12). Et puis, d'un autre côté, Florian a aussi un enfant. Florian. LE Florian de ma maquette de Puma. Vous ne connaissez pas l'histoire ? Elle doit dater d'il y a environ 20 ans. J'avais monté une maquette d'un hélicoptère puma. Et soit que j'ai oublié une pièce, soit que l'équilibre de la maquette ait été effectivement précaire, l'hélice ne tenait pas. Il avait fallu que je la soutienne par 4x2 petits pots de peinture à maquette avant de la coller encore une fois. Mais ça tenait ! Florian vient et dit : « C'est vraiment de la cochonnerie cette maquette » en appuyant sur l'hélice qui se décolle immédiatement. Il n'a pas mis son adresse sur Facebook. Sinon, je lui aurait dépecé sa fille en lui disant « C'est vraiment de la cochonnerie cette gamine ». Et oui, je suis légèrement rancunier parfois.

Bref, j'ai retrouvé Arnaud D. (dont non seulement je n'écris pas le nom, mais je ne prononcerai plus jamais ce nom. De toute la vie). Il a une fille. Je ne m'entendais pas trop mal avec lui. En fait, il était ce qui pouvait ressembler à un copain. Sachant que je n'avais pas d'amis. Evidemment. Et je me souviens que j'ai gagné 5 francs le jour où le PSG a battu le FC Barcelone en quart de finale de la coupe des vainqueurs de coupe. 2-1. C'était le 15 mars 1995. J'étais en seconde donc.

C'est fou parce que de mon année de première, je ne me souviens de rien. Il me faut fournir des efforts insensés de mémoire. Il m'a fallu deux jours pour me souvenir du nom de ma prof d'anglais (Mme Roman). Je me souviens de quelques trucs en vrac, mais cette année de première semble noyée dans un brouillard amnésique. Un brouillard au milieu duquel n'apparaîtrait qu'Arnaud D., qui n'a pas changé.

21 août 2013

ma mère, ce héros

J'ai toujours besoin d'aboyer les évidences, la gueule ouverte pendant trop longtemps. C'est sûrement parce que j'ai du mal avec le réel, ça ne me touche jamais vraiment, la surface. J'ai longtemps cru que j'attendais rien, que j'étais pas humaine à force d'être blasée. "Aime-toi toi-même, pour aimer les autres", qu'il disent. Personnellement, je me hais assez et ça ne n'empêche pas d'être émerveillée par les autres. Le problème n'est pas de mériter mes cheveux,  ou de me sentir fière de mes insuffisances. Aime- moi. Le reste, je m'en charge.

J'écris pour me rendre des comptes.C'est souvent tragique, mes petites lettres sur fond blanc, mais il n'y a que là-dedans que je me sente à l'aise. Disons que c'est familier:  je reconnais. Tu sais, j'ai l'esprit lent en ce qui te concerne. Je flippe de ta réalité. J'ai la peur tellement bleue que ça me rend liquide, quand il s'agit de toi. Les gens ne comprennent pas: je fais forte, comme ça, finalement. Et puis j'explique tellement bien, c'est tellement logique, finalement. Tout se recoupe dès lors qu'on cisaille ferme dans la bande son.   Et puis à toujours rigoler de tout et à me foutre de ma gueule...même moi, j'ai fini par penser que c'était réglé.   C'est tant mieux. Si j'avais compris, avant, l'étendue du chaos, je serais peut être une bavante blindée de neuroleptiques, en train de sucer des barreaux, je serais peut-être recherchée par Interpol, va savoir,  en tous cas, je n'aurais sans doute jamais eu d'enfant.

Alors voilà, je me retrouve à avaler pour la énième fois qu'il n'y a pas d'issue, et je te jure que j'en ai mal à la gorge.  Je suis là à me seriner qu'on ne négocie rien avec la folie, qu'il n'y a pas de dialogue possible, que je suis juste un élément projeté dans la construction délirante, mais j'ai mal chaque fois pareil quand tu m'éclates contre le mur.  Ce n'est pas simple d'oublier la langue maternelle, tu pourras décortiquer les signifiants pendant mille ans, à soixante euros la séance; tu pourras te faire masser l'occiput dans un ashram bouddhiste; tu pourras écrire douze poèmes et quatre pamphlets, et dans la foulée, un blog de rock star, pour la frime, tu pourras adopter la posture du recul salutaire, et mettre des  rangers par dessus, tu te demanderas toujours, dedans,  petite voix flûtée, joues rondes au grain de brugnon, qu'est-ce que t'as fait de mal pour qu'elle soit aussi en colère ?

J'ai  beau avoir le devis chiffré, les preuves tangibles, les armes du crime, les témoignages concordants, et la main sur l'épaule de l'agent de police, c'est pas demain la veille que je ferai mon Oreste. Je me sens coupable encore. Encore. Jusqu'à la dépersonnalisation. C'est banal, c'est attendu,  mais je voudrais juste un mot d'excuse, un je regrette , un petit  j'ai pas fait exprès.  Juste un petit aveu de l'assassin.   Oui, c'est bien moi qui parle, celle qui bassine tout le monde avec l'amour qui n'a pas besoin d'excuse, ni d'absolution.  Mais toi, c'est pas pareil. Tu es avant toute chose, tu es le Verbe et la source, et moi, je n'y peux rien:  je voudrais pouvoir accepter ton pardon. J'ai l'impression que ça mettrait comme un bémol à mes jappements lamentables, un peu de laine de verre entre ma peau et le reste;  j'en ai marre d'avoir froid, même quand on m'embrasse.  Je voudrais que quelqu'un me défende, que tu te comprennes enfin.

Tu vois, tu ouvrirais les bras, je foncerais dans la béance, je te rentrerais dedans.  Et quand je repartirais, j'aurais de ton sang sur ma tête, et des lambeaux de ta délivrance sur mes yeux fermés: on jouerait que je serais née.

 

19 août 2013

Le jour où mon père s'est suicidé

Puisque la mode est à l'égalitarisme entre hommes et femmes, et puisque dans une note récente je vous parlais de ma mère, je vais vous parler de mon père. Vous allez voir, c'est rigolo. A l'époque de ce qui va suivre, je lui adressais encore la parole.

Tous les soirs, mon père venait se faire chercher au travail par son amie, avec laquelle il vivait depuis à peine moins de 10 ans. Les derniers temps, il lui parlait de mariage dans les îles, avec colliers de fleurs et vahinés souriantes. Un jeudi soir, mon père monte dans la voiture, attache sa ceinture, son amie démarre. Et là, il lui demande : « Est-ce que ça te dérangerait de m'héberger jusqu'à lundi ? J'ai trouvé un appartement mais je ne peux le prendre que lundi ». Grand prince, il lui a donc annoncé en face qu'il la quittait. Enfin, de profil. Mon père n'est pas très doué en face-à-face. Mais en face-à-profil ou en face-à-téléphone, il y arrive mieux.

Ainsi donc, mon père se retrouva seul. Enfin, pas tout à fait. Il avait trouvé une jeunette qui en avait après son fric ! En avoir après le fric de mon père, c'est un peu comme se mettre en ménage avec Ribéry pour le physique. Parce que l'argent est à mon père ce que Jeanne d'Arc fut à l'évêque Cauchon.

Avec cette pauvre fille, mon père rendait visite à ma sœur le dimanche midi (en fait, tous les dimanches jusqu'à ce que la pauvre créature au plaisir essoufflé se rende compte que ce n'était pas avec le fric de mon père qu'elle allait pouvoir survivre jusqu'au prochain versement de la CAF). Bref. Et mon père, tous les dimanches, apportait un poulet. Vous voulez savoir le plus drôle ? Ma sœur a horreur du poulet. Elle préfèrerait embrasser ce qui reste du Colonel Kadhafi plutôt que de manger du poulet. C'est vous dire si mon père s'intéressait à elle.

Bref, un samedi soir, alors que mon père était seul (celle qui n'avait pas souvent même une obole pour se frotter la chair et pour s'oindre l'épaule l'avait laissé tomber), ma sœur m'appelle en larmes ; notre père (qui pour son malheur et pour le nôtre n'était pas aux cieux) venait de lui envoyer un SMS d'adieu où il indiquait avoir pris des médicaments. Après ce SMS, il avait visiblement coupé son portable. J'appelle l'annuaire pour avoir le numéro de téléphone des pompiers de son lieu de résidence, je leur explique le truc (ils semblaient dubitatifs) et réussit à les convaincre d'aller sur place. 30 minutes après, ils me rappellent : mon père a ouvert la porte, leur a dit qu'on avait mal compris, qu'il dormait... Vous voulez connaître la meilleure de l'histoire ? Suite à ça, il a renvoyé un SMS à ma sœur, lui indiquant qu'il avait menti aux pompiers et qu'il avait effectivement pris quelque chose.

Bien entendu, le lendemain, il était en pleine forme. Frais et dispo, prêt à repartir.

12 août 2013

Souvenirs...

La première – et dernière – fois que j'ai vu Marguerite (vous m'excuserez de ne pas écrire son nom de famille mais je ne m'en souviens pas), elle ne bougeait pas. Elle avait l'air d'une petite grand-mère tout à fait paisible, le teint pâle et la bouche fermée en un sourire apaisé. En même temps, elle aurait bougé que nous nous serions posé des questions. Nous les croque-morts. Marguerite était ma première défunte en tant qu'auxiliaire convoyeur de corps. Il me semble qu'elle avait dans les 85 ans, et qu'après les obsèques religieuses, toute la famille s'était rassemblée au cimetière, avec un lâcher de ballon, sur fond de « l'envie d'aimer ». Dès que j'entends cette chanson, je ne peux m'empêcher de penser à Marguerite. En plus, si ça se trouve, des gens de sa famille écoute la chanson sans se souvenir de tous ces gamins qui laissaient s'envoler leur ballon.

Danielle était verte. Littéralement. Vert pâle certes, mais vert quand même. En plus, elle avait la stature d'une walkyrie. La première – et dernière – fois que je l'ai vu, je me suis fait la réflexion qu'on enterrait la femme du géant vert. L'épi de maïs en moins. Danielle avait eu le mauvais goût de se suicider le 31 décembre 2000 et de nous faire travailler le 2 janvier. Quand tu sors des fêtes, que tu as limite l'estomac au bord des lèvres et que tu dois enterrer une femme toute verte, ça te marque. Le vert, c'était à cause de la réaction chimique des médicaments. Elle aurait mieux fait d'avaler 300 grammes de sel, ça aurait fait plus sérieux. En plus, se suicider un 31 décembre, c'est un coup à niquer tous les 31 décembre suivants de toute la famille. Mon suicide n'aura certainement pas lieu le 31 décembre. Je trouverai un jour à la con. Style le 17 novembre. Ou le 3 juin. Un jour au cours duquel il ne s'est jamais rien passé, et où il n'y a pas de raison que ça change. Un suicide à la con un jour à la con.

Cette dame protestante, dont le nom m'échappe mais qui pouvait avoir l'âge de Marguerite, nous l'avions enterrée un jour de forte chaleur. Sa famille réunie autour de la tombe écoutait les derniers mots du pasteur, revêtu d'une robe (je veux dire, une robe pastorale, pas une robe de chez Afibel sur fond de maille extensible souple et douce, noir profond et imprimé coloré rivalisent de charme pour mettre en valeur votre silhouette féminine.) Bref. Le mari de cette dame, un grand monsieur mince accompagné de celle qui semblait être son infirmière, se tenait stoïque, impassible. Tout à coup, je le revois se pencher vers son accompagnatrice et lui demander à voix haute : « Mais qui est-ce donc qu'on enterre ? » L'autre, gênée, lui a répondu que c'était sa femme. Le vieux monsieur a acquiescé, a laissé poursuivre le pasteur quelques instants avant de comprendre et de s'effondrer en sanglots.

Souvenirs...

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 > >>
Publicité
Chroniques de la souffrance, haine et pizzas.
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 24 448
Publicité