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Chroniques de la souffrance, haine et pizzas.
21 août 2013

ma mère, ce héros

J'ai toujours besoin d'aboyer les évidences, la gueule ouverte pendant trop longtemps. C'est sûrement parce que j'ai du mal avec le réel, ça ne me touche jamais vraiment, la surface. J'ai longtemps cru que j'attendais rien, que j'étais pas humaine à force d'être blasée. "Aime-toi toi-même, pour aimer les autres", qu'il disent. Personnellement, je me hais assez et ça ne n'empêche pas d'être émerveillée par les autres. Le problème n'est pas de mériter mes cheveux,  ou de me sentir fière de mes insuffisances. Aime- moi. Le reste, je m'en charge.

J'écris pour me rendre des comptes.C'est souvent tragique, mes petites lettres sur fond blanc, mais il n'y a que là-dedans que je me sente à l'aise. Disons que c'est familier:  je reconnais. Tu sais, j'ai l'esprit lent en ce qui te concerne. Je flippe de ta réalité. J'ai la peur tellement bleue que ça me rend liquide, quand il s'agit de toi. Les gens ne comprennent pas: je fais forte, comme ça, finalement. Et puis j'explique tellement bien, c'est tellement logique, finalement. Tout se recoupe dès lors qu'on cisaille ferme dans la bande son.   Et puis à toujours rigoler de tout et à me foutre de ma gueule...même moi, j'ai fini par penser que c'était réglé.   C'est tant mieux. Si j'avais compris, avant, l'étendue du chaos, je serais peut être une bavante blindée de neuroleptiques, en train de sucer des barreaux, je serais peut-être recherchée par Interpol, va savoir,  en tous cas, je n'aurais sans doute jamais eu d'enfant.

Alors voilà, je me retrouve à avaler pour la énième fois qu'il n'y a pas d'issue, et je te jure que j'en ai mal à la gorge.  Je suis là à me seriner qu'on ne négocie rien avec la folie, qu'il n'y a pas de dialogue possible, que je suis juste un élément projeté dans la construction délirante, mais j'ai mal chaque fois pareil quand tu m'éclates contre le mur.  Ce n'est pas simple d'oublier la langue maternelle, tu pourras décortiquer les signifiants pendant mille ans, à soixante euros la séance; tu pourras te faire masser l'occiput dans un ashram bouddhiste; tu pourras écrire douze poèmes et quatre pamphlets, et dans la foulée, un blog de rock star, pour la frime, tu pourras adopter la posture du recul salutaire, et mettre des  rangers par dessus, tu te demanderas toujours, dedans,  petite voix flûtée, joues rondes au grain de brugnon, qu'est-ce que t'as fait de mal pour qu'elle soit aussi en colère ?

J'ai  beau avoir le devis chiffré, les preuves tangibles, les armes du crime, les témoignages concordants, et la main sur l'épaule de l'agent de police, c'est pas demain la veille que je ferai mon Oreste. Je me sens coupable encore. Encore. Jusqu'à la dépersonnalisation. C'est banal, c'est attendu,  mais je voudrais juste un mot d'excuse, un je regrette , un petit  j'ai pas fait exprès.  Juste un petit aveu de l'assassin.   Oui, c'est bien moi qui parle, celle qui bassine tout le monde avec l'amour qui n'a pas besoin d'excuse, ni d'absolution.  Mais toi, c'est pas pareil. Tu es avant toute chose, tu es le Verbe et la source, et moi, je n'y peux rien:  je voudrais pouvoir accepter ton pardon. J'ai l'impression que ça mettrait comme un bémol à mes jappements lamentables, un peu de laine de verre entre ma peau et le reste;  j'en ai marre d'avoir froid, même quand on m'embrasse.  Je voudrais que quelqu'un me défende, que tu te comprennes enfin.

Tu vois, tu ouvrirais les bras, je foncerais dans la béance, je te rentrerais dedans.  Et quand je repartirais, j'aurais de ton sang sur ma tête, et des lambeaux de ta délivrance sur mes yeux fermés: on jouerait que je serais née.

 

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