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Chroniques de la souffrance, haine et pizzas.
12 août 2013

Souvenirs...

La première – et dernière – fois que j'ai vu Marguerite (vous m'excuserez de ne pas écrire son nom de famille mais je ne m'en souviens pas), elle ne bougeait pas. Elle avait l'air d'une petite grand-mère tout à fait paisible, le teint pâle et la bouche fermée en un sourire apaisé. En même temps, elle aurait bougé que nous nous serions posé des questions. Nous les croque-morts. Marguerite était ma première défunte en tant qu'auxiliaire convoyeur de corps. Il me semble qu'elle avait dans les 85 ans, et qu'après les obsèques religieuses, toute la famille s'était rassemblée au cimetière, avec un lâcher de ballon, sur fond de « l'envie d'aimer ». Dès que j'entends cette chanson, je ne peux m'empêcher de penser à Marguerite. En plus, si ça se trouve, des gens de sa famille écoute la chanson sans se souvenir de tous ces gamins qui laissaient s'envoler leur ballon.

Danielle était verte. Littéralement. Vert pâle certes, mais vert quand même. En plus, elle avait la stature d'une walkyrie. La première – et dernière – fois que je l'ai vu, je me suis fait la réflexion qu'on enterrait la femme du géant vert. L'épi de maïs en moins. Danielle avait eu le mauvais goût de se suicider le 31 décembre 2000 et de nous faire travailler le 2 janvier. Quand tu sors des fêtes, que tu as limite l'estomac au bord des lèvres et que tu dois enterrer une femme toute verte, ça te marque. Le vert, c'était à cause de la réaction chimique des médicaments. Elle aurait mieux fait d'avaler 300 grammes de sel, ça aurait fait plus sérieux. En plus, se suicider un 31 décembre, c'est un coup à niquer tous les 31 décembre suivants de toute la famille. Mon suicide n'aura certainement pas lieu le 31 décembre. Je trouverai un jour à la con. Style le 17 novembre. Ou le 3 juin. Un jour au cours duquel il ne s'est jamais rien passé, et où il n'y a pas de raison que ça change. Un suicide à la con un jour à la con.

Cette dame protestante, dont le nom m'échappe mais qui pouvait avoir l'âge de Marguerite, nous l'avions enterrée un jour de forte chaleur. Sa famille réunie autour de la tombe écoutait les derniers mots du pasteur, revêtu d'une robe (je veux dire, une robe pastorale, pas une robe de chez Afibel sur fond de maille extensible souple et douce, noir profond et imprimé coloré rivalisent de charme pour mettre en valeur votre silhouette féminine.) Bref. Le mari de cette dame, un grand monsieur mince accompagné de celle qui semblait être son infirmière, se tenait stoïque, impassible. Tout à coup, je le revois se pencher vers son accompagnatrice et lui demander à voix haute : « Mais qui est-ce donc qu'on enterre ? » L'autre, gênée, lui a répondu que c'était sa femme. Le vieux monsieur a acquiescé, a laissé poursuivre le pasteur quelques instants avant de comprendre et de s'effondrer en sanglots.

Souvenirs...

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Commentaires
A
c'est quand meme toi le chef du postage regulier, il faut l'admettre<br /> <br /> (les chefs, les grands sachent admettre)<br /> <br /> et en plus il déchire ce texte
Y
Ca fait rire et ca fait mal. C'est du grand Matthieu ca.
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