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Chroniques de la souffrance, haine et pizzas.
25 juin 2013

Être ou ne pas naître, that’s the question of the super baaaaanco !

echographieTu me toisais avec l’arrogance de ceux qui savent et qui n’ont que dédain pour les ignorants. Tu bravais, je m’en souviens, mes 40 ans du haut de tes 20 printemps, de ce regard faussement compatissant, déjà excédé par la distance à franchir de l’explication. Un regard qui trahissait volontairement toute authenticité de compassion. Dans tes yeux, un viseur, sur mon front, un point rouge. Je suis morte cent fois.

En te regardant, je me voyais. Ce qui m’a vraiment tuée, c’est que j’avais toujours estimé, moi, avoir des raisons légitimes pour flinguer ma mère de ce regard, alors que je me débattais dans les affres de l’adolescence.

Une adolescence à chier. Je n’étais pas une victime, mais un martyr sacrifié sur l’autel des égoïsmes, ni plus ni moins. On m’avait mise au monde par erreur, puis pour expier les péchés des autres, servir de doudou, de docteur, de punching-ball, de faire-valoir et parfois d’enfant. Ma douleur me conférait une position d’unique, alors que nous étions légion. Je lisais Baudelaire, Lautréamont et « libres enfants de Summerhill ». Le lyrisme acnéique était une chrysalide que je portais en bandoulière comme mon sac kaki US ARMY.

Et toi, là, tu m’adressais ce même regard, à moi. Tu m’alignais à côté de ta grand-mère, et tu te haussais plus haut que ma douleur !

Je t’aurais étripée et étreinte à la fois, tant tu étais haïssable, attendrissante, ridicule et, je le savais, meurtrie. Il n’y a pas de fausses douleurs, pas plus que de fausses raisons à ces douleurs. Et tu ne mentais pas. Tu t’es bien battue.

Moi aussi, je me battais pas trop mal parfois, lorsqu’après avoir reçu deux ou trois phrases empoisonnées soufflées de ta sarbacane, je me configurais dans un calme herculéen (celui d’avant la tempête). Je les accueillais en me hissant sur le piédestal de l’inatteignable, sur le trône de la bienveillance, brandissant le sceptre de la douceur pendant qu’au-dedans, quelqu’un chargeait un M16 à l’aveugle.

Je te déposais devant la porte, j’attendais que tu descendes de voiture, et je faisais 25 fois le tour du pâté de maison pour trouver une place, mais surtout pour hurler, t’insulter, te promettre une vie de merde telle qu’aucun mot ne pouvait décrire. Je t’ai souhaité d’en chier des ronds de chapeaux en verre pilé. Putain, ça faisait du bien.

Rendue aphone, je manœuvrais le créneau, j’essuyais mes larmes dans le rétro, cherchant à effacer toute trace de touché-coulé : hors de question de te faire ce cadeau, tu veux jouer au poker, soit, jouons au poker.

Mais tu es fine, intelligente et subtile, impitoyablement subtile, et tu n’avais nullement besoin de chercher chez moi toute trace d’impact, tu savais quand ta cible était atteinte.

Mon joker c’était la patience. Je me berçais de ce qui allait, me disais-je, inévitablement advenir : tu partirais un jour, tu volerais, selon la formule consacrée, de tes propres ailes, et je t’imaginais sortant du nid, d’un pas forcément assuré, et dès le seuil franchi, je feindrais de ne pas entendre ce bruit d’œuf qui explose.

Je te savais trop fière pour faire marche arrière, et pour une fois, cet orgueil me servirait.

Aujourd’hui, je ne crains plus tes flèches empoisonnées, je les attends, je les espère car elles sont le signe de ta proche présence, et puis surtout nous en rions. Nous combattons alors à mots nus.

Je crains parfois pour toi et je voudrais être l’enceinte qui te protège de temps à autre, un lieu de repli. L’un de ceux que tu choisirais parmi d’autres.

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Commentaires
N
ah bon tu me rassures alors.
A
tu m'as tuee
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