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Chroniques de la souffrance, haine et pizzas.
11 mai 2013

Titre sans titre

photo 11 05 13Chers corédacteurs en subversion bloguesque (genre),

Au moment où j’écris ce billet, nous sommes vendredi 10 mai, et il est présentement 06 h 13, nuit totalement blanche au compteur. Et comme vous êtes perspicaces bien qu’étant sous-chefs (ayant su m’entourer des sous-chefs les moins pires, car vous êtes non seulement les moins pires, mais de plus les meilleurs puisque les seuls), et comme vous êtes perspicaces disais-je, vous aurez noté que mon compte facebook a été désactivé depuis quelques jours, et que je n’ai pas posté ma note cheftalique du jeudi. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? vous êtes vous demandé, au fil des heures à rebours, l’inquiétude sourde montant des tréfonds de vos tripes et à cette heure-ci, j’imagine, de vos ronflements. La première réponse évidente est qu’étant chef, je poste quand je veux. CQFD.

Sachez chers non sachants, que j’ai dû, depuis quelques jours, m’absenter en des lieux hospitaliers guidée par des gyrophares pimponnants,  pour y être accueillie dans une salle blanchâtre avec des néons à vous faire avouer le meurtre du petit Gregory. J’accompagnais ma reum qui avait un besoin relativement urgent de se faire souffler dans les bronches et défroisser des poumons rabougris, histoire de… comment dire…, respirer, afin de profiter pleinement de ce mois de mai en se faisant polléniser la région otorhino laryngée dans des conditions normales, pour ne pas dire optimales.

Dès qu’elle ira mieux, nous irons braquer la pharmacie pour faire le plein d’antiallergènes, d’Heptamyl pour ma tension qui plafonne à 8 et de Sectral pour la sienne qui plafonne à 20 (parfois je me demande si c’est ma mère). Bref, la vie est faite de joies simples.

2 h 50 : Je ne dors toujours pas, des milliards de pensées cheftales me lacèrent l’esprit après 3 Seresta et 2 Stilnox. J’ai demandé au personnel infirmier une anesthésie générale mais je les trouve d’humeur chafouine. J’ai à nouveau tenté de les dérider en risquant un parallèle entre ce bruit de pompage d’oxygène et Nicolas Hulot in Ushuaia dont le sex appeal aventurier m’a toujours laissé de marbre. A mon avis les sourires, ils doivent se les dessiner au scalpel, d’où la rareté.

Tout à l’heure, vers 3 heures 40, le dernier infirmier, un chauve frankesteinien, entre dans la chambre et la dialectique s’est soudainement trouvée enrichie de sa pensée la plus profonde par l’échange suivant :

- vous dormez pas ? (je rappelle qu’un doctorat est nécessaire pour poser ce genre de question à quelqu’un qui scrute le plafond).

- ben non.

- vous avez eu tout ce dont vous aviez besoin pour dormir parce que vous avez les yeux bien ouverts ? (8 ans d’études).

- oui.

Il est sur le point de refermer la porte, lorsque je dis « sauf parler ». Fermage de porte à la gueule.

Cette nuit les gars, j’aurais donné  mon bras gauche, parce que le droit je m’en sers pour, enfin je m’en sers, donc mon bras gauche, pour parler à quelqu’un. Pour dire ma douleur, ma colère, ma haine, j’aurais tout mélangé, j’aurais tout confondu, je me serais livrée à des analyses sans queue ni tête, j’aurais pleuré, j’aurais eu les yeux gonflés comme des paupiettes de veau, j’aurais eu la morve au nez que j’aurais essuyée de ma main, droite donc, et le nez et la main auraient été reliés par ce fil visqueux dont t’as toujours du mal à te débarrasser,  à la fin j’aurais été totalement incompréhensible à cause du nez bouché et des sanglots avortés, et j’aurais une fois de plus posé la plus inutile des questions : pourquoi. Vraiment là, ce soir, j’aurais tout donné pour tout lâcher et pouvoir m’endormir.

Mais Frankeinstein a fermé cette putain de porte. C’était le dernier « être humain » du service de nuit. Plus tard, vers 4 h 30, je me démonte pas, je dors toujours pas, l’angoisse de pas parler me vrille suffisamment le bide pour m’ordonner d’aller lui tenir le bavoir : ah il veut pas causer, ben au moins il m’écoutera : enfilage de baskets et hop ! je le découvre derrière la baie vitrée dormant du sommeil du juste sous le panneau accueil. De mon point de vue, si je l’avais tué, j’aurais dû bénéficier de circonstances atténuantes pour non assistance à personne en danger. Qui m’aurait crue ?

En attendant, 6 h 47 au compteur, j’ai pas l’intention de dormir, j’attends de pied ferme mon pain au chocolat avec mon lait en poudre, mon café en poudre, mon sucre en poudre qui devraient débouler dans un peu plus d’une heure.

Moi qui ne fume pas, j’ai tombé un paquet dans la nuit et je vais aller m’en griller une autre avant le p’tit déj, histoire de faire chier mes poumons non goudronnés.

Dans le couloir j’ai croisé un homme avec des pansements pile poil sous les poignets. Je pense qu’il ne devait pas être très au fait des règles de la pelote basque. On voyait qu’il avait perdu bien plus qu’une simple partie.

J’ai bien regardé la chambre de maman. Il n’y a rien. Je l’ai mentalement divisée en trois dans le sens de la longueur et j’ai essayé d’imaginer ce que pouvait être une cellule de prison. En plus délabré, en plus pourri, en plus inhumain. Une porte de prison qui se ferme, bien plus inhumaine que celle que Frankeinstein a fermée tout à l’heure.

Je sais que je suis loin du compte. Putain, pourquoi je pense à des trucs pareils ?

Ce que j’aurais aimé faire aujourd’hui, c’est partir à la campagne ou en bord de mer, bref dans la nature, là où personne ne risquait de m’entendre pour pouvoir hurler toutes les insanités qui m’étouffent, cracher mes poumons, dégoudronner à 130 décibels (bruit d’un avion au décollage).

Mais Dieu a dit, Natouche pourri sera aussi ton vendredi car en vérité je te le dis, Andy, dis moi oui, chéri, oh oui.

A l’heure où je poste, nous sommes samedi et je ne nourris plus d’espoir car Luc Ferry a dit : être désespéré, c’est être sans espoir, être sans espoir c’est être sans attente, être sans attente c’est être heureux.

Il était ministre ou ménestrel, je me souviens plus ?

 

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Commentaires
M
Pas d'accord avec la fin. Mais bon, c'est personnel. Et ce serait trop long à expliquer. Juste en deux mots: le désespoir, c'est l'absence de perspective. Tu n'espères rien, tu n'attends rien de rien. Le bonheur ? Fais moi rire.
A
la description du pleurage est tellement tellement vraie , ca se sent que tu saches , quand même
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