Quand l'effet se recule
Il y a des jours sombres comme une plaque de marbre noir rayée de hachures. Et puis, il y a ces jours lumineux où tout te semble possible. Et si tout te semble possible, c'est grâce aux petites gélules magiques de ta psy. Mais avant de trouver la bonne, il t'aura fallu passer par d'autres petites gélules magiques dont les effets secondaires se seront révélés pires que le mal qui te ronge.
Revue de détails :
- La psy : « attention, ce médicament-là est réputé pour ouvrir un petit peu l'appétit ». Effectivement. Au réveil, tu te mets à rêver de choucroute royale, de raclette et de cassoulet à la graisse d'oie. En entrée. Parce que tu crèves de faim. Durant la suite de la journée, tu as l'impression de sentir une odeur de nourriture partout où tu vas. Et tu te dis que les gosses du Darfour ne sauront ce que c'est d'avoir faim que lorsqu'ils auront testé ce médoc.
- La psy : « attention, ce médicament-là est réputé pour entraîner de légers troubles de la mémoire ». Tu t'en aperçois en allant chercher une commande que tu avais passée à la boulangerie. Car là, la boulangère te dit : « oui, vous pouvez juste me rappeler votre nom ? »...
Non. Tu ne peux pas lui rappeler ton nom. Parce que toi-même, tu ne t'en rappelle pas.
- La psy : « attention, ce médicament-là est réputé pour provoquer des endormissements. Prenez-le au coucher ». Tu le prends au coucher. Et tu ne dors pas de la nuit, tellement tu sais que tu pourrais aller courir le marathon de New-York, retapisser ton salon et repeindre la cuisine. Et que si tu ne le fais pas, c'est simplement que tu ne peux pas aller à New-York tout de suite. On appelle ça un effet paradoxal paraît-il.
- La psy : « attention, ce médicament-là est réputé provoquer une faible constipation ». C'est au bout de 10 jours sans aller aux toilettes, quand te saisit une monumentale envie de chier que tu te souviens de cette phrase. Et, dans tes chiottes, tu sais ce que ressent une femme quand elle accouche. De jumeaux. Simultanément.
- La psy : « attention, ce médicament-là peut provoquer de légers vertiges passagers ». C'est vrai. T'es obligé de te tenir à quelque chose quand tu descends du trottoir tellement ça te semble haut.
- La psy : « Ce médicament est très bien, il est réputé pour ses effets secondaires très limités ». Pour une femme certainement. Mais pour un mec... Ça te file un mal de couilles épouvantable. Comme si on te les serrait dans un étau. Rien que la lecture du mot « broyage » te fait mal. Le plus con, c'est que ce médicament est tellement efficace que tu ne veux pas en changer. Ainsi, c'est facile de te repérer dans la rue: tu es le type qui irradie la joie de vivre mais qui marche comme un cow-boy.